Depuis le mois dernier, les manifestations sont devenues presque quotidiennes, menées par des groupes d'étudiants qui réclament une réforme des principaux organes du pouvoir y compris la monarchie, brisant un tabou profond de la société thaïlandaise. Voici tout ce que vous devez savoir.
Pourquoi les jeunes Thailandais ont décidés de descendre dans la rue ?
Connecté au monde grâce à Internet et la globalisation, cette jeunesse éclairée et très déterminée veut mettre fin à une oppression orchestrée par les politiques, les militaires et la monarchie.
Ponctuée par de nombreux coup d’État (le dernier en 2014) ou de courtes périodes de calme politique, l’histoire récente de la Thaïlande n’a jamais connu de véritable stabilité politique en dépit de quelque semblant d’élections démocratiques. La Thaïlande est un pays riche avec un peuple pauvre. Et ces jeunes n’ont plus peur de le dénoncer.
Nouvelles revendications des contestataires
Ces derniers mois, le mouvement de contestation, un temps gelé par l’épidémie de Covid-19, s’est étoffé de nouvelles revendications. Plusieurs leaders étudiants, moins attachés que leurs parents à la monarchie, réclament une réforme en profondeur de la royauté et un débat sur l’immense fortune dont dispose le roi Maha Vajiralongkorn, monté sur le trône à la mort de son père Bhumibol Adulyadej en 2016.
Vivant l’essentiel de l’année en Allemagne, le monarque, qui affiche une vie privée agitée, ne jouit pas de l’immense popularité dont bénéficiait son père et se retrouve soupçonné de vouloir peser, de loin, sur la vie politique du royaume.
La Thaïlande vit sur un volcan politique sur lequel dansent les élites, l’armée et le roi. L’actuel premier ministre Prayut Chan-o-cha, ancien chef de l’armée, est le cerveau du coup d’État de 2014 qui a installé une junte au pouvoir pendant cinq ans. Il est ensuite devenu le premier ministre d’un gouvernement pro-militaire, après une élection très contestée l’année dernière.
Choc générationnel
La Thaïlande est engluée depuis des décennies dans une division profonde de la société entre conservateurs et réformistes, notamment sur les questions qui touchent à l’armée, à la justice et à la monarchie.
Le système de patronage, une donnée culturelle fondamentale en Asie du Sud-Est, rend difficile toute remise en question d’un plus âgé, d’un plus riche, d’un plus puissant. Au sommet de cette pyramide sociale, on trouve la monarchie. Ce qui est remis en cause par la jeunesse thaïlandaise, ce n’est pas vraiment l’institution, qui est l’un des fondements de l’identité thaïe, mais plutôt le rapport à une monarchie sacrée, dont on ne peut rien dire.
Récemment, le voyage d’une des filles du roi dans les îles du Sud, a empêché les bateaux de pêcheurs et de touristes de croiser dans la zone pendant quelques jours. Et cela a provoqué une vague de fureur inédite sur les réseaux sociaux.
Le nouveau Roi de Thailande, un problème ...
Le roi Vajiralongkorn cristallise les mécontentements autour de ce qu’il est, ce qu’il fait, ce qu’il représente. Mais la critique de la royauté reste un énorme tabou, passible de lourdes peines de prison.
Il n’est pas rare, même en ce début du XXIe siècle, de voir un président ou un Premier ministre renversé par une vague de protestation. Mais des manifestations massives contre un roi ou une reine semblaient un vestige du siècle dernier. Du moins jusqu’à ce qu’une foule de Thaïlandais descende dans la rue en août dernier.
On peut se demander pourquoi des dizaines de milliers de Thaïlandais manifestent aujourd’hui dans la plupart des provinces du pays et risquent la prison en réclamant que le roi Vajiralongkorn, ou Rama X, soit privé de ses pouvoirs et de ses privilèges. Surtout quand on connaît la révérence que le peuple thaïlandais porte habituellement à son monarque, qu’il considère comme un dieu. Mais le vieux roi Bhumibol Adulyadej, ou Rama IX est mort en 2016, après soixante-dix ans de règne. Et la révérence pour la dynastie Chakri, sur le trône depuis près de deux cent cinquante ans, semble avoir disparu avec lui.
Pour ceux qui connaissent bien la Thaïlande, ces événements sont inouïs. Car il n’est pas seulement tabou de critiquer le monarque, c’est aussi un crime de lèse-majesté passible, aujourd’hui encore, de quinze ans de prison. On a l’impression que ces manifestants très courageux et remarquablement jeunes sont de plus en plus préparés à affronter les conséquences. C’est une évolution historique majeure.
Le pouvoir thaïlandais dégaine l'état d'urgence !
Plusieurs milliers de jeunes Thaïlandais ont manifesté dans tout le pays pour dénoncer la politique du gouvernement dont ils ont demandé la démission.
Face à l’ampleur des manifestations, les autorités thaïlandaises ont promulgué, un décret d’urgence interdisant les rassemblements de cinq personnes et plus, ainsi que les messages en ligne qui pourraient nuire à la sécurité nationale.
Les manifestations ont tout de même continuées dans tout le pays et font face à la police. Voici quelques photos des manifestations :
Le symbole des trois doigts tendus au-dessus d'un bras levé
En Thaïlande, le geste emprunté signale le soutien au mouvement pro-démocratie ainsi que la colère envers l’establishment militaire royaliste.
Le salut à trois doigts de la série de films The Hunger Games qu’ont osé faire des manifestants thaïlandais au cortège royal cette semaine est devenu un symbole de la contestation dans le royaume ces dernières années.
Ce salut est apparu en 2014 comme un signe de défiance envers le régime militaire qui s’était emparé du pouvoir, suspendant tout processus démocratique, et avait réprimé la liberté d’expression. Le leader du putsch, l’ancien chef de l’armée Chan-O-Cha, est à présent Premier ministre et la principale cible des manifestants.
Dans la série de films et de livres The Hunger Games, des habitants d’une dystopie située dans une Amérique du Nord du futur sont contraints de participer à un jeu télévisé dont un seul participant doit sortir vivant. Ils utilisent ce salut comme un signe de remerciement, d’admiration et d’adieu à quelqu’un qu’ils aiment. Mais ce geste devient ensuite un symbole de révolte contre leurs riches oppresseurs qui vivent dans une capitale protégée par une armée.
Crise économique en Thailande !
Autre cause des manifestations, la Thaïlande connaît l’une de ses pires crises économiques depuis 1997 en raison de la pandémie de coronavirus. Des millions de Thaïlandais ont perdu leur emploi et la crise a mis en lumière les inégalités dans l’économie du pays, perçue comme bénéficiant avant tout à l’élite pro militaire.
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